La troisième et dernière étape de l’inventaire des châteaux, manoirs et demeures de villégiature en bord de Mayenne, menée par le Département avec le soutien de la Région, arrive à son terme. Celle-ci a permis de couvrir les bords de la rivière entre Laval et Daon, au sud du département, et notamment la région de Château-Gontier, où les demeures de plaisance depuis la fin du Moyen Age jusqu’au XIXe siècle sont particulièrement nombreuses. Parmi les sites étudiés, le château de Mirvault à Azé apparait comme l’un des mieux documentés, notamment grâce à un riche fonds d’archives privé.
Du manoir féodal à la villégiature de campagne
Le site de Mirvault, stratégiquement positionné sur un ancien franchissement de la Mayenne en amont de Château-Gontier, a connu plusieurs occupations successives depuis le milieu du Moyen Age. Une motte castrale existait en rive droite, sur le territoire de Bazouges. En 1435, un aveu rendu par Jean Sibel et Guillemine de Chalun fait état d’un « hebergement joignant de cousté à la rivière de Maienne », le tout ceint de « plesses, foussés, hayes et clouaisons ».
Ce manoir n’a laissé aucune trace, si ce n’est sans doute une ancienne cheminée datable du XVe siècle. A partir du XVIe siècle, et bien que la seigneurie de Mirvault perdure, on ne signale guère plus qu’une métairie.
En 1573, le domaine est acheté par une importante famille de la magistrature castrogontérienne, les Le Tessier, seigneurs du Grand-Coulonge en Fromentières, lesquels constituent alors un important domaine foncier extra-urbain pour asseoir leur fortune. Si les baux attestent de l’activité de la ferme pour le compte des Le Tessier, ceux-ci n’y résident pas ou très peu : en 1796, la petite maison de réserve, composée d’une chambre basse à cheminée, de deux petits cabinets et d’un grenier, est en ruine. De retour d’émigration, Julien-Joseph Le Tessier fait édifier à son emplacement, autour de 1800, une grande demeure d’influence néoclassique.
Le château de Mirvault côté parc. ©P.-B. Fourny
La villégiature de Christian Le Tessier
En 1871, Christian Le Tessier de Coulonge (1839-1902) hérite de la maison de campagne de Mirvault, tandis que son frère Ludovic obtient l’hôtel urbain de Château-Gontier. Homme de lettres, membre de plusieurs œuvres catholiques, Christian réside à Paris, rue Notre-Dame-des-Champs. Bien qu’il ne vienne que très épisodiquement à Mirvault, il semble très attaché au domaine de ses aïeux où il a sans doute passé une partie de son enfance. A partir de la fin des années 1870, il commande les premiers aménagements dans le parc et notamment la réalisation d’un kiosque.
Le projet de la reconstruction du château nait sans doute autour de 1880 : Christian charge alors l’architecte parisien Henry Marchand de concevoir les plans d’une nouvelle demeure. Les deux hommes sont probablement amis, ou en tout cas se connaissent bien : dans les années 1860, ils ont collaboré pour la reconstruction de l’église Sainte-Rosalie (13e arrondissement de Paris), dont l’un est le président du patronage et l’autre l’architecte. Les travaux de Mirvault sont menés à bien entre 1882 et 1885 ; ils sont suivis sur place par un certain Simonet, conducteur des Ponts-et-Chaussées à Château-Gontier, le régisseur Dupré et Ludovic Le Tessier. L’architecte angevin Auguste Beignet est également sollicité en 1883 pour une visite du chantier.
Armoiries familiales sculptées sur la tour d’escalier. ©P.-B. Fourny
Un château de conte ?
Comme la plupart des châteaux construits dans la vallée de la Mayenne dans la seconde moitié du XIXe siècle, Mirvault présente une inspiration néo-Renaissance ; son architecture se singularise néanmoins fortement par un plan peu conventionnel et une ornementation prononcée.
Avec Marchand, Christian Le Tessier s’est attaché à concevoir son château de rêve. Les hautes toitures en pavillon, les lucarnes et la tour renvoient à un certain idéal de la résidence nobiliaire et à une nostalgie du monde féodal. Les décors sculptés et les plafonds peints rappellent le prestige de la lignée à travers la figuration des armoiries. Les irrégularités du plan, comme la dissymétrie de l’ensemble, la pseudo tour d’escalier et sa porte d’honneur en trompe-l’œil, trahissent sans doute les demandes particulières du commanditaire, qui font de Mirvault un château très personnel.
Christian Le Tessier a voulu livrer à la postérité sa propre vision du château, héritée du milieu aristocratique qui est le sien mais aussi très certainement de son enfance. En effet, quand il publie en 1890 à l’attention de sa nièce un recueil de contes, il demande au dessinateur Eugène Belville de s’inspirer de Mirvault pour illustrer le château fictif de Beaufeuillage où réside la princesse Cara. Sa résidence mayennaise se trouve ainsi immortalisée pour la postérité en château de conte de fées.
Beaufeuillage, illustration du recueil « Contes à ma nièce » de Christian Le Tessier de Coulonge, 1890. ©Bibliothèque Nationale de France, gallica.fr
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