Associer la Passion du Christ à la souffrance des camps de concentration nazis, voilà ce que propose Le chemin de croix du bon larron réalisé par Maurice de La Pintière (1920-2006).
L’art pour survivre
Présentés pour la première fois dans le chœur de l’abbatiale et dans l’espace d’exposition du Noviciat, les dessins permettent de découvrir toute la profondeur spirituelle d’un homme, ancien déporté, dont la réflexion est un long cheminement des Ténèbres à la Lumière. En projetant les dernières heures de la vie de Jésus dans ce Golgotha du XXe siècle, l’artiste rescapé revit son épreuve concentrationnaire sous la forme d’une suite de dessins qui semble nous venir de l’Enfer.
« Les survivants des camps de déportés ont le droit d’affirmer sans prétention ni exagération qu’ils ont connu le monde du Malin absolu »
Edmond Michelet
Mr. P. Arnaud, Maurice de la Pintière. ©Y. Guillotin
Maurice de La Pintière compose ici une œuvre magistrale et intime. L’état de grâce de la pensée d’un homme de foi, d’un résistant français revenu des camps de la mort.
Dessiner pour résister à la barbarie, survivre pour témoigner de l’évènement inouï, voilà ce qui a poussé Maurice de La Pintière à créer et à rester ouvert au monde grâce à l’art. Plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste, pour certaines encore jamais montrées au public, sont rassemblées à l’Abbaye Royale de Fontevraud dans une scénographie originale.
À ces dessins du chemin de croix du bon larron sont associés des textes de l’écrivain Yves Viollier : « Cette œuvre avec laquelle j’ai vécu et médité pendant un an avant de pouvoir me hisser à sa hauteur et lui associer de courtes méditations est l’élévation, mieux, la transfiguration d’une épreuve tragique par la seule foi en Jésus ressuscité ».
Maurice de La Pintière (1920-2006)
Artiste aux multiples talents, célèbre pour ses tapisseries, Maurice de La Pintière est également connu comme peintre illustrateur.
Né en Vendée, à Vouvant, Maurice de La Pintière s’engage dans la Résistance à l’âge de 20 ans alors qu’il est étudiant à l’École des Beaux-Arts de Paris. En 1943, il tente de passer la frontière espagnole pour rejoindre les forces de la France Libre, mais il est arrêté et emprisonné par la Gestapo. Détenu successivement dans les camps de concentration de Buchenwald, Dora et Bergen-Belsen, il consacre à cette expérience, dès la libération, un album intitulé Sous la griffe de la Bête. Quelques années plus tard, il compose une œuvre magistrale, Le chemin de croix du bon larron. Maurice de La Pintière se tourne ensuite vers l’illustration, signant notamment de nombreuses bandes dessinées publiées dans des périodiques. C’est dans sa maturité que, conseillé par Jean Lurçat, Maurice de La Pintière découvre l’art de la tapisserie. Il élabore, à partir de 1965, de nombreux cartons de tapisserie dont le cycle Des Ténèbres à la Lumière. Son vécu de déporté y est transfiguré par des textes sacrés d’origines diverses et en particulier celui de saint Jean qui a inspiré la tenture de l’Apocalypse.
Autoportrait Maurice de La Pintière. ©Y. Guillotin