Après l’étude des villages à communs menée avec le Syndicat de Pays du Vignoble Nantais, Pays d’art et d’histoire, l’Inventaire se poursuit à l’échelle des 29 communes de ce territoire et porte à présent sur le patrimoine lié au négoce des vins en vignoble nantais (XIXe-XXIe siècles). Rémi Plotard, chercheur, nous présente cet inventaire qui permet d’identifier le patrimoine paysager, architectural et mobilier qui témoigne de l’activité de négoce.
Que représente le négoce des vins du pays nantais ? Le négoce a-t-il évolué du XIXe au XXIe siècle ?
Historiquement le négoce a été un acteur majeur de la commercialisation des vins en Vignoble Nantais, notamment à l’export : aujourd’hui encore, il écoule une part importante de cette production.
Au XIXe siècle, la consommation de Muscadet et de Gros-Plant reste très locale. L’organisation du vignoble, et ses liens ténus avec Nantes, ne lui permettent pas une expansion décisive, que connaîtront d’autres vignobles français. Le négoce, qui s’épanouit au cours du XXe siècle, a ainsi la particularité d’être local : il s’enracine au cœur du vignoble et connaît son âge d’or durant la seconde moitié du siècle. Conquérant, il joue un rôle crucial dans les premiers succès d’exportation du Muscadet (Europe du Nord, Angleterre, États-Unis, Japon).
La densité de négociants est alors forte, notamment à Vallet et dans les bourgs alentours. C’est de cette période que date la majeure partie du patrimoine encore visible aujourd’hui. Par la suite, la part décroissante du négoce dans la commercialisation du Muscadet, ainsi que la fusion des entreprises, amèneront de nombreux sites à changer de fonction, ou à être démolis.
Établissement vinicole de négociant, établissements Métaireau. ©P.-B. Fourny
Quelles sont les particularités de ce patrimoine lié au négoce ?
La principale caractéristique du négoce est d’avoir laissé des traces parfois très discrètes dans les bourgs et les hameaux du vignoble. Ce sont des chais, parfois distingués par des décors de façade, mais peu caractérisés ; ce sont aussi des objets utiles à la production (embouteillage, vinification…), à la publicité ou au transport. Il s’agit de bâtis qui sont aujourd’hui menacés : de nombreuses architectures ont disparu au cours des vingt dernières années, parallèlement à la fermeture de la plupart des entreprises. De nombreuses autres sont en passe d’être rasées. Un certain nombre de lieux ont été rénovés, et des traces de l’activité y subsistent souvent : démolir des cuves est en effet très coûteux.
Un autre patrimoine méritant qu’on s’y intéresse sont les maisons de négociants ; il va s’agir de voir si elles ont des caractéristiques propres, en termes de localisation ou d’architecture, ou bien si au contraire elles ne se caractérisent d’aucune manière, en comparaison des autres habitations.
Quelles sont les étapes d’un inventaire sur le négoce des vins en vignoble nantais ?
La première étape de cet inventaire a été la mise en place d’une collaboration avec les associations locales, regroupées dans une organisation commune – Forum. Cette coopération a été décisive pour retrouver les noms et les communes d’activité des négociants, depuis la fin du XVIIIe siècle. La recherche en archive a ainsi été essentielle, tout comme l’étude de la bibliographie, pour mieux cerner les négociants, leurs réseaux et les principaux traits de leur activité.
Décor en façade du chai de l’entreprise Guilbaud Frères, Mouzillon. ©P.-B. Fourny
La phase actuelle du travail consiste à « débusquer » les lieux de négoces (dont les archives ne donnent pas les adresses !) en s’entretenant directement avec d’anciens négociants ou viticulteurs de la commune. Un repérage est ensuite effectué sur place, parfois en compagnie du témoin. Il s’agit également de rechercher le propriétaire actuel, pour tenter d’accéder aux intérieurs, qui peuvent donner de nombreux renseignement sur la façon dont était organisée une entreprise de négoce. Parfois, cela est l’occasion de collecter des objets ou des archives intéressant l’étude.
Comment seront valorisés les résultats de cette étude ?
D’une part, les données recueillies seront publiées sous forme de dossiers électroniques, consultables sur le site Internet du service du Patrimoine de la Région ; cette matière pourra donner lieu à une publication. D’autre part, ce travail s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre la Région et le Service Patrimoine du Syndicat Mixte du SCoT et du Pays du Vignoble Nantais : l’un des principaux objectifs de valorisation est donc d’enrichir les collections du musée concernant la thématique commerciale, qui est actuellement peu développée dans l’exposition permanente. Enfin, les données collectées seront utiles à l’alimentation d’un système d’information géographique (SIG), dont les finalités en termes de valorisation ou d’aménagement du territoire restent à définir.