Ce tableau de grandes dimensions (220 x 177 cm), peint sur toile, vraisemblablement muni de son cadre d’origine en bois doré et mouluré fait partie du repérage des peintures d’églises des Pays de la Loire. Julien Hardy, chercheur au service patrimoine de la Région des Pays de la Loire, détaille la scène à multiples personnages située à l’intérieur d’une vaste église de style gothique.
Le mauvais état du tableau, couvert de chanci et déchiré, rend peu lisible. Le tableau évoque la peinture d’histoire, le romantisme et le goût renouvelé pour l’architecture médiévale, popularisée par la parution de Notre-Dame-de-Paris en 1831. Le peintre joue avec le pittoresque des costumes et insiste particulièrement sur la monumentalité de l’édifice, à tel point que l’on peut se demander si l’abbatiale n’est pas le sujet principal du tableau. En l’absence de signature et de date visible, ces éléments permettent de placer la création de l’œuvre dans la première moitié du XIXe siècle.
L’Abjuration d’Henri IV, tableau de l’église Saint-Médard à Dollon. ( ) Inventaire général du patrimoine. Région des Pays de la Loire

Le thème du tableau est longtemps resté énigmatique. Les sources anciennes évoquent l’abjuration d’Henri IV à Saint-Denis ou bien le sacre du même roi à Chartres. L’examen du tableau, en particulier de l’architecture de l’église, permet de trancher en faveur de la première iconographie.
Une représentation originale

Roi depuis 1589, Henri de Navarre décide, pour mettre fin aux Guerres de Religion et conforter son trône, d’abjurer sa foi protestante et de se convertir au catholicisme. L’événement a lieu le 25 juillet 1593 dans l’abbatiale de Saint-Denis, nécropole royale. La cérémonie se déroule en deux actes distincts : l’abjuration proprement dite, à l’extérieur de l’église, puis à l’intérieur le baptême du converti. Le tableau sarthois semble être la seule représentation de l’abjuration conservée dans les églises ligériennes. Ce fait historique majeur, l’un des actes fondateurs de la dynastie des Bourbons, a en effet été paradoxalement peu représenté. Outre quelques dessins anciens, on peut citer le remarquable tableau, contemporain de l’événement, attribué à Nicolas Baullery et conservé au musée de Meudon, ou celui présenté par Georges Rouget au Salon de 1833, sensiblement à la même période que le tableau de Dollon, et aujourd’hui conservée à Pau.
L’Abjuration d’Henri IV, tableau de l’église Saint-Médard à Dollon. ( ) Service patrimoine. ( ) Région des Pays de la Loire
Le tableau de Baullery montre la cérémonie à l’intérieur de l’abbatiale. A l’inverse, Rouget insiste sur l’abjuration proprement dite, devant la façade. Le peintre de Dollon choisit étonnamment de ne pas figurer l’événement proprement dit, mais sa fin. Le roi, vêtu de blanc et désormais catholique, se dirige vers le bas de la nef pour ressortir de l’abbatiale. Il est accompagné d’un homme en costume sombre, peut-être son ministre Sully, et encadré par un cortège de prélats, parmi lesquels on reconnait à droite Monseigneur de Beaunes, évêque de Bourges et les évêques de Nantes, du Mans et d’Evreux, qui procédèrent à l’abjuration. Au second plan, se masse la foule de courtisans venue assister à la cérémonie. Au centre, un personnage féminin intrigue : il pourrait s’agir de son épouse Marguerite de Valois, ou plus surement de sa maitresse Gabrielle d’Estrée, qui joua un rôle important dans la décision d’Henri. La représentation de l’abbatiale de Saint-Denis est précise et monumentale, voire écrasante. La nécropole royale symbolise à l’évidence la continuité de la monarchie française par-delà les changements dynastiques.
Un tableau ancré dans une histoire familiale
Reste à s’interroger sur la raison de la présence de cette œuvre dans la petite église de Dollon. La recherche est encore en cours mais elle permet d’ores et déjà d’envisager une piste : le tableau aurait été offert à l’église parle marquis Alinant de Dollon (1821-1904). Ce monarchiste légitimiste s’exila en 1852, après le coup d’Etat de Napoléon III, en Australie puis en Nouvelle-Calédonie. Il s’y signala par son catholicisme rigoureux. Or, Alinant de Dollon descendait de la famille mancelle de La Goupillère, seigneurs de Saint-Hilaire-le-Lierru et Dollon, laquelle embrassa le protestantisme au début du XVIe siècle avant de revenir au catholicisme à la fin du XVIIe siècle. Ainsi, le thème iconographique du tableau pourrait bien tout à la fois illustrer un parcours familial parallèle à celui d’Henri IV, tout en manifestant publiquement l’attachement particulier du marquis pour le maintien de la monarchie française.

L’Abjuration d’Henri IV, tableau de l’église Saint-Médard à Dollon. Visite et présentation du tableau aux élèves du lycée Robert Garnier de La Ferté-Bernard ( ) Service patrimoine. Région des Pays de la Loire