Julien Hardy, chercheur, a réalisé l’inventaire du patrimoine de la commune de Villaines-sous-Lucé, en Vallée du Loir dans le sud de la Sarthe. Il nous révèle les vestiges du premier réseau d’adduction d’eau de la ville du Grand-Lucé, établi en 1902-1903. Cette étude contribue à la prise en compte patrimoniale des réseaux d’équipements urbains.
La création du réseau est décidée en 1899 par la municipalité, soucieuse d’améliorer la qualité de l’approvisionnement en eau potable et de lutter contre le risque d’incendie. Le souvenir de celui qui ravagea la ville en 1781 est alors encore vif.
Un réseau d’eau conçu par Ernest Bollée
Ernest Bollée, membre de la célèbre famille d’ingénieurs manceaux, est chargé de sa conception. Entre la station de captage établie sur une source et le réservoir de 300 m3 placé sur une hauteur de la ville, il met en place une canalisation souterraine longue de 3,5 km, équipée de deux béliers hydrauliques.
Station de captage (c) Région Pays de la Loire – Inventaire général. T. Seldubuisson
48 m de dénivelé jusqu’au réservoir principal
Cette machine élévatoire, perfectionnée et brevetée par l’ingénieur manceau en 1857, fonctionne de manière autonome grâce à l’énergie cinétique de l’eau et à la pression de l’air. Un premier bélier conduisait l’eau captée et décantée jusqu’au bélier principal, dit à deux eaux. Ce dernier assurait l’ascension des 48 m de dénivelé jusqu’au réservoir principal, construit en béton armé selon le procédé Hennebique.
Bélier hydraulique du réseau d’adduction des eaux de la ville du Grand-Lucé (c) Région Pays de la Loire – Inventaire général. T. Seldubuisson
Alimenter en eau toute la commune
De là, l’eau était distribuée par gravitation naturelle via un réseau secondaire calqué sur la voirie urbaine. Il desservait les 1200 habitants de l’agglomération, les bâtiments publics et 12 bouches à incendie. Augmenté d’un troisième bélier en 1936, le réseau est équipé de motopompes vers 1965, puis remplacé par un nouveau captage qui alimente toujours le château d’eau édifié en 1973 au pied du réservoir.
Réservoir puis château d’eau du Grand-Lucé (c) Région Pays de la Loire – Inventaire général. T. Seldubuisson
Un équipement urbain à la campagne
Les deux édicules de plan circulaire qui abritaient les béliers et la cheminée d’équilibre de 6 m de haut, plantés au milieu de la prairie sur la canalisation souterraine, donnent au paysage rural de Villaines-sous-Lucé une insolite coloration technique. On se souvient encore sur place du martellement sec et régulier des béliers en fonctionnement.
Edicules abritant le bélier, 1902. (c) Région Pays de la Loire – Inventaire général. T. Seldubuisson
Bâtiment de captage, portant la plaque commémorant la mise en service en 1903
La colonne de chute branchée sur la conduite forcée souterraine (au premier plan) et l’abri pour le bélier (à l’arrière-plan) – L’édicule abritant le bélier, 1902.
(c) Région Pays de la Loire – Inventaire général. T. Seldubuisson