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Lassay-les-Châteaux et ses environs – L’architecture religieuse du XIXe siècle : un renouveau de la foi 

Le nombre des paroisses qui ont formé, pendant l’Ancien Régime et jusqu’au XIXe siècle, l’actuel territoire étudié, ainsi que la ferveur qui y était prégnante, ont fait parvenir jusqu’à nous un patrimoine catholique abondant et varié. De fait, on dénombre dans l’ancien canton de Lassay-les-Châteaux plus d’une dizaine d’églises autrefois paroissiales, deux couvent-monastères et une vingtaine de chapelles ou oratoires encore en élévation. 

A l’instar des régions de l’Ouest de la France, le territoire connaît un important renouveau religieux dans la seconde moitié du XIXe siècle, qui a marqué l’architecture. Certains cultes locaux gagnent de la vigueur : en plus de celui de saint Fraimbault, évangélisateur du Maine, qui est vénéré de longue date, celui de la petite émigrée, martyre vendéenne ayant fui sa contrée natale et exécutée par les révolutionnaires lasséens, ainsi que celui de la Vierge de Pontmain, apparue à des enfants dans cette localité en 1871 prennent de l’importance. Cela se traduit par des pratiques de pèlerinage et par la commande d’objets. 

Les douze églises paroissiales de l’ancien canton de Lassay, à l’exception de celle de Rennes-en-Grenouilles, ont connu des ajouts, de profonds remaniements ou une reconstruction complète au XIXe siècle. La première vague de chantiers, entre 1840 et 1855, ne concerne que des ajouts ou des agrandissements : construction d’un clocher-porche à l’église du Housseau dans la première moitié du siècle (aujourd’hui disparue), construction du chœur et du transept de l’église de Saint-Fraimbault en 1844, ajout d’une clocher à l’église de Niort-la-Fontaine en 1847, ajout d’un clocher-porche à l’église de Thubœuf vers 1850, ajout d’un clocher-porche à l’église de Brétignolles en 1851, ajout d’un transept et agrandissement du chœur de l’église de Melleray en 1854. Entre 1855 et 1900, sept de ces douze églises sont construites ou reconstruites : celle de Lassay entre 1857-1863, seule édification ex nihilo, celle de Courberie en 1861-1862, celle de la Baroche-Gondouin en 1868-1869, celle de Sainte-Marie-du-Bois entre 1868 et 1871, celle de Saint-Julien-du-Terroux entre 1879 et 1881, celle de Niort-la-Fontaine entre 1884 et 1894 et celle du Housseau en 1900. 

Carte postale du bourg de Thuboeuf, montrant la tour-clocher de l’église Saint-Martin de Thuboeuf, construite en 1852 (AD Mayenne, 5 Fi 274/1). ©Morgane Acou-Le Noan

L’abondante documentation concernant les chantiers du XIXe siècle permet une connaissance précise des architectes ayant œuvré aux églises étudiées. Un nom domine : il s’agit de celui de François Godin, architecte établi à Lassay, né vers 1810 et mort en 1877, ayant suivi la plupart des chantiers publics du canton (et au-delà) avant sa mort. Sur ce territoire, l’intégralité des agrandissements et reconstructions d’églises réalisés entre 1847 et son décès lui est due (clocher de Brétignolles et de Niort, églises de Lassay, Courberie, Sainte-Marie-du-Bois, La Baroche-Gondouin), à l’exception de l’agrandissement de l’église de Melleray, effectué par Pierre-Aimé Renous, alors architecte départemental. La disparition de François Godin, maître incontesté de la scène architecturale lasséenne, permet le retour d’une plus grande variété de maîtres d’œuvre : Pierre-Jean Dromer de Javron pour l’église de Saint-Julien-du-Terroux, Eugène-Joseph Hawke, alors architecte départemental pour l’église de Niort et Jules Tessier de Mayenne pour l’église du Housseau en 1900. 

Toutes les églises reconstruites ou ayant connu d’importantes modifications durant ce siècle ont été désorientées afin qu’elles occupent un emplacement leur donnant plus de visibilité au sein des bourgs. La construction de Saint-Fraimbault de Lassay est sans doute le cas le plus marquant dans la mesure où celle-ci s’accompagne du percement d’une artère enjambant le ruisseau du Lassay, et offrant un accès et une perspective privilégiés depuis le cœur de la ville jusqu’à l’édifice. Cette désorientation est également prégnante dans le cas des églises de la Baroche-Gondouin, de Melleray-la-Vallée et de Niort-la-Fontaine.

L’église Saint-Fraimbault de Lassay et la rue de l’église, offrant une perspective sur l’édifice ©Yves Guillotin

Une importance monumentale est accordée au clocher, et ce dès la première moitié du XIXe siècle. Même les églises qui ne sont pas entièrement reconstruites sont dotées d’une tour clocher en façade. C’est le cas à Thubœuf, à Brétignolles, à Niort-la-Fontaine, où les travaux de la fin du siècle ne font pas disparaître la tour construite en 1847, et au Housseau, où elle est revanche détruite en même temps que le reste de l’édifice. Les nouveaux plans intègrent directement cet élément monumental à la façade, comme on le voit à Lassay, Courberie, Sainte-Marie-du-Bois et Saint-Julien-du-Terroux, à l’instar des églises de style néogothique rationaliste, édifiées à la même époque en maints endroits et dont Saint-Nicolas de Nantes, construite par Jean-Baptiste Lassus, constitue le chef de file. Ainsi, sur les douze églises que compte l’ancien canton de Lassay, dix comportent une tour-clocher construite au XIXe siècle. Dans sept de ces cas, celle-ci se trouve actuellement en façade ; dans le cas de Niort-la-Fontaine, la tour-clocher se situait à l’origine à cet emplacement mais s’est retrouvée contre un bas-côté, à la suite de la reconstruction ultérieure de l’édifice. Le soin apporté par l’architecte Godin à sa toiture en dôme, élément singulier qui domine la campagne environnante, a sans doute plaidé pour sa conservation. Les maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage du XIXe siècle, par ce parti architectural et par leurs choix urbanistiques, offrent aux édifices religieux une visibilité renouvelée et donnent ainsi largement à voir la foi réaffirmée de toute une communauté.

Les travaux effectués tendent également à uniformiser le plan des églises vers une forme en croix latine. Des transepts saillants, accueillant des chapelles secondaires, sont ajoutés aux églises de Notre-Dame de l’Assomption de Brétignolles-le-Moulin, de Saint-Fraimbault de Saint-Fraimbault et de Saint-Aubin de Melleray-la-Vallée. Dans les deux derniers cas, ces ajouts s’accompagnent de la reconstruction du chœur. Les églises entièrement construites au XIXe siècle intègrent cet élément à leur plan. Seul le transept de l’église de Thubœuf est antérieur à cette période et seul le plan de l’église de Rennes-en-Grenouilles n’a pas été régularisé et conserve des caractéristiques romanes : chœur à chevet plat plus réduit que la nef, à vaisseau unique et sans transept. 

Comme il était d’usage au XIXe siècle dans le domaine de la construction religieuse, les architectes ayant œuvré dans l’ancien canton de Lassay puisent leurs sources dans un Moyen Âge dont l’étude et l’imaginaire étaient alors en plein essor. Si la plupart des églises adoptent des plans et des dispositions similaires, les partis décoratifs se distinguent en deux groupes majeurs : ceux dont le décor fait référence à la période gothique et ceux dont le décor fait référence à la période romane. Dans le premier cas, qui concerne les églises de Saint-Julien-du-Terroux, le Housseau et Niort-la-Fontaine, toutes reconstruites au cours du dernier quart du XIXe siècle, les baies sont en arc brisé, les voûtes ogivales et les chapiteaux ornés d’un sobre décor de feuilles d’acanthe.

Dans le second cas, les baies sont en plein cintre, de même que les arcs doubleaux qui forment le couvrement de l’édifice. Le chœur et les bras du transept des églises de Melleray et de Saint-Fraimbault font référence à cette époque, de même que toutes les églises dont le plan a été dressé par l’architecte François Godin de Lassay (celles de Lassay, Sainte-Marie du Bois, Courberie et la Baroche-Gondouin). Les ornements sculptés de celles de Lassay et de Sainte-Marie-du-Bois foisonnent de détails dits archéologiques : triforium aveugle, chapiteaux à décors d’entrelacs, de figures monstrueuses et de végétaux. 

Chapiteaux sculptés de monstres et d’un personnage dans la croisée du transept de l’église Notre-Dame de Sainte-Marie-du-Bois ©Yves Guillotin

Malgré un désir d’agrandissement et d’embellissement important à partir des années 1840 de la part des paroissiens, le maitre d’œuvre choisi, François Godin, n’a pas créé une œuvre très originale ni très variée, appliquant les mêmes partis décoratifs d’une église à l’autre, à la limite de la standardisation. Doit-on le choix des paroisses et fabriques de faire appel à cet architecte local à des raisons économiques ou à une forme de facilité ? 

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