Engagés dans le Plus Grand Musée de France, les lycéens de Saint-Joseph à Châteaubriant ont voté la restauration d’objets appartenant au musée de la résistance.
Anne-Marie Geffroy, restauratrice du patrimoine, spécialité arts du métal, est intervenue sur le gobelet appartenant à Marcelle Baron, résistante nantaise rescapée du camp de Ravensbrück.
Pour survivre moralement pendant sa déportation au camp de Ravensbrück, Marcelle Baron (1909-2011) avait inscrit sur son gobelet les prénoms de ses enfants « Jean-Claude et Annick » et le surnom de son mari « Frédo » (effacé). Une intervention en conservation restauration était devenue nécessaire pour pérenniser ce gobelet, souvenir de déportation devenu objet mémoriel, conservé au musée de la Résistance de Châteaubriant.
La classe du lycée Saint-Joseph en visite au musée de la Résistance de Châteaubriant © Région des Pays de la Loire
Devoir de mémoire
Les lycéens s’étaient ralliés « au devoir de mémoire à préserver et à ceux qui ont sauvé la France » en décidant des œuvres à restaurer pour Le Plus Grand Musée de France. Le gobelet gravé appartenant à la résistante Marcelle Baron, et la maquette d’hydravion du résistant Emile David, exposés au musée de la résistance de Châteaubriant, ont emporté la majorité des suffrages. « Il nous appartient de transmettre ce patrimoine, de le conserver et de le préserver » avaient argumenté les lycéens, conscients de la place de de ce bien commun dans leur environnement et leur histoire.
La classe de Bac pro Service aux personnes et animation du territoire du lycée Saint-Joseph a choisi de restaurer les objets mémoriels du Musée de la résistance de Châteaubriant pour le Plus Grand Musée de France © Région des Pays de la Loire
Anne-Marie Geffroy, quel est l’objectif de votre intervention sur le gobelet ?
Le but du traitement de conservation-restauration est d’optimiser la conservation à long terme. Il s’agit d’un objet à dimension historique et mémorielle. Les traces d’usage appartiennent à son histoire. Le traitement se veut donc minimal afin de
garder ces traces.
Le gobelet avant restauration © Anne-Marie Geffroy
En quoi consiste le traitement ?
Le traitement s’est déroulé en plusieurs étapes.
Tout d’abord le gobelet a été photographié (vues d’ensemble et de détails) puis un constat d’état a été rédigé afin d’identifier plus précisément les altérations. :
Ensuite les surfaces ont été décrassées en testant plusieurs solvants à l’aide d’un coton tige. Le but étant d’éliminer la crasse sans altérer les inscriptions que nous voulions conserver. L’élimination des corrosions s’est effectuée par abrasion au scalpel puis application au coton tige d’acide orthophosphorique à 10% suivi d’une abrasion à la brossette métallique montée sur un micro moteur. Cette opération a été renouvelée deux fois. L’application de l’acide orthophosphorique permet de complexer légèrement les produits de corrosion et facilite ainsi leur élimination. De plus l’acide orthophosphorique a une action inhibitrice de la corrosion. C’est-à-dire qu’il crée une couche protectrice sur le métal empêchant l’apparition de nouvelles corrosions.
Les zones d’émail présentant des fragilités ont été consolidées par infiltration de résine acrylique (résine stable dans le temps). Pour finir, une couche de protection à base de cire microcristalline a été appliquée sur les zones traitées, sur les parties émaillées et sur l’inscription afin de la consolider. Cette couche de protection agit comme une barrière contre le développement de nouvelles corrosions.
Ensuite l’objet a, à nouveau, été photographié.
Intervention sur le gobelet © AMRC
Quel est votre parcours de restauratrice du patrimoine, spécialité arts du métal ?
Après le baccalauréat, j’ai suivi des études d’histoire et l’IUT Sciences et matériaux situé à Carquefou (44) et des études d’histoire à l’Université de Rennes 2. Puis j’ai passé le concours de l’INP, Institut national du patrimoine, département des restaurateurs du patrimoine à Aubervilliers. Il s’agit d’une école qui forme aux différents métiers de la conservation restauration sur 5 ans. Il existe plusieurs spécialités : peinture, sculptures, textiles, arts graphiques, photographie, mobilier, arts du feu céramique, et arts du feu métal. On y étudie à la fois l’histoire de l’art, l’histoire des techniques mais aussi les sciences surtout la chimie. De nombreuses heures sont consacrées à des cours en atelier autour des objets ou de techniques de restauration particulières. Durant les études, plusieurs stages en France et à l’étranger sont proposés. Suite à cette formation je me suis installée en indépendant et je travaille en France et à l’étranger. Il s’agit d’un métier demandant à la fois des connaissances scientifiques, d’histoire de l’art et des compétences manuelles. Les projets sont variés et on ne s’ennuie jamais, Si on aime l’histoire, les sciences, la réflexion, il faut tenter sa chance. C’est un métier concret.
Le gobelet après restauration © Anne-Marie Geffroy
Redonner vie à un objet mémoriel
« Cette restauration redonne vie au gobelet » commente Jean-Claude Baron, fils de la résistante Marcelle Baron, en reposant l’objet au musée de la Résistance le 27 septembre 2024. Il a parlé aux lycéens de sa mère, revenue vivante des camps mais à bout de forces. « De tant d’horreurs, mon coeur devint immense » écrivait-elle en 1946.
Photos : Région des Pays de la Loire