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Les églises mancelles du XXe siècle vues du ciel

Dans le cadre de l’étude d’inventaire sur les faubourgs du Mans, le service patrimoine de la Région prépare une nouvelle publication sur les édifices cultuels du XXe siècle. Pour approfondir et illustrer ces nouvelles connaissances, une campagne de vues en drone a été organisée au mois de mars. Les photographies aériennes réalisées par Yves Guillotin ont apporté de précieux renseignements.

Le culte dans la ville

Au XXe siècle, la ville du Mans, comme la plupart des villes françaises, connait une profonde mutation. Déjà amorcée au XIXe siècle avec le rattachement des communes limitrophes (Sainte-Croix, Saint-Pavin-des-Champs, Saint-Georges-du-Plain puis Pontlieue), cette métamorphose territoriale liée à un accroissement sans précédent de la population accompagne la création de nouvelles paroisses et la construction ou la reconstruction d’édifices de culte. L’observation de leur emplacement dans l’espace urbain, leur taille et leur forme sont autant d’éléments nécessaires à leur compréhension. Ces sites sont intimement liés à l’histoire sociale et à l’évolution urbaine du Mans.

Le couvent des sœurs marianites de la Solitude, sur la colline du Gazonfier, est fondé par le père Basile Moreau en 1841. Le parc qui s’étend devant l’édifice témoigne de cet ancrage ancien. Autour s’étend la ville du Mans qui depuis 150 ans a progressivement gagnée sur le rural. Le site est agrandi et modernisé par Joseph Philippe, architecte et élève du moine bâtisseur Dom Bellot, en 1952. Il y édifie notamment la chapelle dans laquelle l’usage de la brique rappelle l’art de son maître.

Couvent des sœurs de la Solitude, colline du Gazonfier. ©Y. Guillotin

L’église Saint-Paul-de-Bellevue est construite en 1963 sur les plans de l’architecte local Claude Roinné. Elle présente un cas différent d’implantation de centres cultuels en milieu urbain. Développé dans les années 1960, pour les rapatriés d’Algérie, le quartier de Bellevue se dote de maisons sérielles, de tours et de barres en béton. Dans ce contexte d’urbanisation-éclair, la construction d’une église est envisagée, notamment pour répondre à la volonté d’une présence pastorale au sein des quartiers périphériques.

Saint-Paul-de-Bellevue et le quartier de Bellevue. ©Y. Guillotin

Des matériaux insolites

La question des matériaux est essentielle pour l’étude des édifices du XXe siècle. Dès les années 1920, le béton s’impose comme principal matériau de construction du fait de sa souplesse d’utilisation, de sa résistance en cas d’incendie et surtout de son moindre coût. Il définit la structure générale de l’édifice. La quasi-totalité des édifices cultuels du XXe siècle au Mans sont construits en béton. Les différents choix de matériaux se situent au niveau du parement (brique pour la chapelle des sœurs marianites, pierre de Saint-Maximin pour l’église Sainte-Thérèse, ou béton laissé brut comme à la synagogue du Mans).

Quelques très rares exemples manceaux montrent la persistance d’alternatives conceptuelles. L’utilisation d’une ossature métallique, par exemple est visible à Sainte-Thérèse, construite en 1954 sur les plans de l’architecte de renommée internationale, Pierre Vago. Sept piliers métalliques laissés libres en intérieur supportent une couverture en tôle d’aluminium. Ce matériau de toiture, particulièrement économique, résonne avec les édifices allemands de la même période, connus de l’architecte. Cette toiture, peu visible de la rue du fait des dimensions monumentales de l’église, a pu être appréhendée et analysée grâce aux vues aériennes.

Sainte-Thérèse. ©Y. Guillotin

Des plans originaux

L’esprit d’innovation et de modernisme, présent notamment dans l’architecture religieuse, permet une inventivité architecturale rapide et foisonnante qui entraîne le renouvellement des formes traditionnelles. Affranchis de toute fonction structurelle par la mise en œuvre de l’ossature béton, les architectes ont toute latitude pour modeler l’espace et gérer comme ils l’entendent les pleins et les vides. De plus, une intense réflexion quant au modèle et au plan s’engage au sortir de la Première Guerre mondiale. Circulaire, triangulaire ou trapézoïdale, l’église n’est plus systématiquement identifiable comme telle. En effet, le traditionnel plan orienté est progressivement remis en question. Le plan centré et ses variantes semblent obtenir la préférence des maitres d’œuvre et d’ouvrage. Ce débat se traduit au Mans par des réalisations originales.

L’église du Christ-Sauveur, construite en 1965 sur les plans de l’architecte Lagrange, présente un plan dit « en coquille Saint-Jacques », centré autour de l’autel qui est signifié par la flèche centrale. Les architectes de Saint-Bertrand proposent en 1992 une autre variante du plan centré. Le module de base est le triangle, composé de trois vaisseaux qui convergent vers l’autel. Là encore, les vues en drone permettent de rendre compte de l’application concrète de ces réflexions théologiques et de prendre du recul sur ces bâtiments qui dessinent l’histoire contemporaine du Mans.

Christ-Sauveur. ©Y. Guillotin

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