Les Plantagenêts – un Empire au XIIe siècle sont à l’honneur à l’Abbaye de Fontevraud à travers une exposition qui rappelle les liens étroits qui unissent cette dynastie à ce lieu. L’exposition se poursuit jusqu’au 10 janvier 2022, l’une des multiples facettes de Noël à Fontevraud.
Martin Aurell, historien, directeur du Centre d’Études supérieures de Civilisation médiévale, nous explique ces liens.
L’exposition présente l’empire des Plantagenêts, et comment cette dynastie a fondé son pouvoir autant sur les arts et la diplomatie que sur les armes. Quelle place a eu l’Abbaye de Fontevraud dans ce rayonnement ?
L’Abbaye est très liée à la famille d’Henri II, comte d’Anjou, puisque sa propre tante devient la seconde abbesse de Fontevraud. Et elle est aussi liée aux comtes de Poitiers, la famille d’Aliénor, dont la grand-mère s’y était retirée. Dès son mariage, elle y fait des donations, et dès son veuvage, elle s’installe dans une maison à côté du monastère, avec ses suivantes. Enfin Aliénor prend la décision d’enterrer les dépouilles de Richard Cœur de Lion et d’Henri II à Fontevraud. Mais pour elle, c’était plus un lieu de prière et de repos qu’un lieu de pouvoir. Elle s’y est retirée, et quand il a fallu qu’elle intervienne de nouveau dans les jeux de pouvoir, notamment dans le conflit entre Jean Sans terre et son petit-fils, elle a quitté Fontevraud.
Cartographie de l’empire Plantagenêt. ©Service patrimoine de la Région des Pays de la Loire
Le lien fort entre les Plantagenêts et Fontevraud, c’est donc Aliénor. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce personnage historique a traversé le temps ?
Elle fascine parce que c’est une femme de pouvoir et qu’elle a résisté à la pression de ses deux maris pour gouverner l’Aquitaine, jusqu’à se retrouver emprisonnée. Cette volonté de garder le pouvoir, c’est très moderne. Mais au XIIe siècle, ça ne plaisait pas. Une légende noire la suivait, des histoires d’adultère, des calomnies !
C’est aussi une figure exceptionnelle par sa longévité frappante : elle a vécu jusqu’à 80 ans, ce qui était extrêmement rare. C’était une femme d’une vitalité incroyable. Elle a eu deux maris, une dizaine d’enfants… qu’elle a très bien mariés, ce qui fait qu’on l’appelle aujourd’hui la grand-mère de l’Europe. C’est clairement mon personnage préféré des Plantagenêts… je l’adore !
Gisant d’Aliénor d’Aquitaine. Abbaye de Fontevraud. ©B. Renoux
L’exposition accueillie par l’Abbaye royale de Fontevraud est la première de cette ampleur consacrée aux Plantagenêts. Comment expliquez-vous que cette période soit finalement rarement évoquée ?
Depuis le XIXe siècle, les Plantagenêts ne sont pas trop appréciés par les Anglais, qui considèrent qu’ils ont pris part à plein de conflits au lieu de s’occuper de l’Angleterre. Et pour les Français, ce sont en quelque sorte des Anglais qui ont occupé la France. Jules Michelet, par exemple, disait d’Aliénor qu’elle était « détestable comme une femme méridionale » …
Vous présiderez le colloque « Gouverner l’empire Plantagenêt ». Quels sont aujourd’hui les sujets de discussion dans la communauté scientifique ?
Le grand intérêt de ce grand colloque international, c’est l’interdisciplinarité. Il rassemblera des historiens des textes, de l’Art, des archéologues, etc. Dernièrement, les chercheurs ont beaucoup progressé sur la perception de Jean Sans Terre : était-il vraiment humainement une catastrophe ? Serait-ce la cause de l’effondrement de l’Empire Plantagenêts ? C’est mon avis, mais nous allons en débattre. D’autant que les actes du colloque seront publiés et diffusés avant le rassemblement, ce qui assez exceptionnel !
Martin Aurell, historien, directeur du Centre d’Études supérieures de Civilisation médiévale.