L’inventaire du patrimoine des communes riveraines de la Sèvre Niortaise, dans le Marais poitevin, est entré dans une nouvelle phase avec l’appréhension des communes pleinement situées dans les marais dits « mouillés » car inondables.
Trois communes, deux départements, quatre barrages, deux églises
Ces marais sont directement irrigués par la Sèvre Niortaise dont le cours a été aménagé au XIXe siècle pour mieux contrôler les niveaux d’eau et faciliter la navigation. Nœud hydraulique majeur, le site de Bazoin est l’un des exemples les plus importants de ces aménagements. Le site est écarté entre trois communes, sur deux départements : Maillé à l’ouest et Damvix à l’est (en Vendée), La Ronde au sud (en Charente-Maritime).
Vue aérienne depuis l’ouest. ©P.-B. Fourny
Il est surtout situé à la confluence entre la Sèvre Niortaise, son affluent le Mignon, une autre petite rivière appelée le Vieux Béjou, et le canal du Nouveau Béjou. Ces cours d’eau sont régulés par quatre barrages et deux écluses qui forment un ensemble hydraulique complexe, encore en activité de nos jours. Bazoin constitue en effet l’extrémité d’un des biefs qui découpent le cours de la Sèvre de Niort à la mer.
Pour permettre la navigation commerciale, intense jusqu’au début du XXe siècle, la Sèvre et le Mignon sont chacun équipés d’un barrage éclusé, c’est-à-dire d’un barrage auquel est adjointe une écluse pour le passage des bateaux. Non navigables, le Nouveau et le Vieux Béjou sont commandés par un simple barrage.
Dans les quatre cas, le barrage est constitué d’une vanne levante, mue à l’aide de crémaillères à crics que soutiennent d’imposants portiques en métal. Ceux-ci sont peints d’une couleur différente selon leur propriétaire : en bleu pour l’Union des Marais mouillés, en vert pour l’IIBSN (Institution interdépartementale du bassin de la Sèvre Niortaise, qui a pris le relai de l’Etat).
Le barrage et l’écluse sur la Vieille Sèvre vus depuis le nord. ©P.-B. Fourny
L’objet de toutes les attentions depuis le XIXe siècle
Le site de Bazoin est l’un de ceux sur lesquels se penchent les ingénieurs des Ponts et Chaussées chargés, dans les années 1830-1840, de mettre en œuvre le grand programme d’aménagement du bassin de la Sèvre Niortaise, élaboré par l’ingénieur en chef Mesnager au lendemain de l’Empire. Le premier ouvrage créé, en 1836, est le canal du Nouveau Béjou, ligne droite venant du port de Damvix et permettant d’éviter le vieux méandre de la Sèvre qui passe au nord.
Le site d’écluses de Bazoin. ©T. Ben Makhad
Ce creusement s’accompagne de la construction d’un barrage à l’embouchure du canal, ainsi que d’une maison éclusière, en 1838. Jusqu’à la fin du XXe siècle, elle va loger l’éclusier chargé de la surveillance du site et sa famille. Un premier barrage voit aussi le jour sur le Vieux Béjou.
Ces efforts sont redoublés sous le second Empire avec la construction, en 1858, d’un premier barrage éclusé sur la Vieille Sèvre et d’un autre à l’embouchure du Mignon. Tous deux seront reconstruits en 1868 et 1872, leurs écluses adoptant alors l’aspect qu’elles gardent aujourd’hui. Pour permettre la continuité du chemin de halage sur la rive gauche de la Sèvre, une première passerelle est aussi jetée par-dessus le fleuve. Elle sera reconstruite vers 1890, telle que, là encore, on peut encore l’observer de nos jours (elle a cependant été restaurée et modifiée en 2018).
L’aménagement du site et de ses ouvrages engendre à partir du milieu du XIXe siècle la constitution d’un véritable hameau constitué de plusieurs fermes, en plus de la maison éclusière. Le hameau est même doté d’une école à la fin du XIXe siècle, située sur la commune de Damvix mais entretenue à frais communs avec Maillé et La Ronde.
L’embouchure et le barrage du Nouveau Béjou. ©P.-B. Fourny
Cette création répond à un besoin né notamment de l’augmentation du nombre d’habitants dans le hameau qui compte 147 habitants en 1901, nombre qui se monte encore à 138 en 1926, selon les recensements de population. Jusqu’à la construction des routes d’accès après 1945, le bateau est le mode de transport le plus utilisé, pour les personnes, le bétail et les récoltes, d’autant que les passerelles de halage et celles qui franchissent les barrages éclusés sont étroites et d’un usage précaire.
Des ouvrages modernisés et de nouveaux enjeux depuis les années 1960
Au début des années 1960, le site bénéficie du programme des Grands travaux des Marais de l’Ouest, qui vise à moderniser un bon nombre d’ouvrages dans le Marais poitevin, notamment sur la Sèvre Niortaise. Les barrages et barrages éclusés de Bazoin sont ainsi reconstruits et mêmes élargis. Ils sont équipés du système de vannes levantes à portiques. L’entreprise Truchetet et Tansini, de Paris, est chargée des travaux qui se déroulent entre juin 1960 et juillet 1961. A la même époque, l’exode rural concerne tout particulièrement le hameau qui se vide de ses habitants. La plupart des fermes sont désaffectées, sinon abandonnées, et l’école ferme dès le début des années 1950. La télégestion des ouvrages, mise en place en 1996, et la suppression du poste d’éclusier en 2000-2002, retirent au site son activité de gestion en local des niveaux d’eau, si ce n’est le maintien d’un centre d’exploitation de l’IIBSN dans l’ancienne maison éclusière. Les barrages continuent pourtant à jouer leur rôle de régulation. Ils sont restaurés en 2016-2017.
Une mise en valeur patrimoniale en cours
Le site de Bazoin est désormais davantage fréquenté par les pêcheurs et les visiteurs de passage. Dès les années 1950, des habitants du hameau louent alors ponctuellement des chambres aux touristes. La plaisance se développe dans les années 1970-1980, puis décline.
Situé sur l’itinéraire cyclotouriste de la Vélofrancette, Bazoin accueille par ailleurs en 2016 un nouvel embarcadère pour promenades en barques. La volonté de relancer la plaisance aboutit en 2018 à la restauration de l’écluse sur la Vieille Sèvre et de la grande passerelle qui la jouxte, dans une démarche également patrimoniale. Un projet de mise en valeur du site de Bazoin et de son histoire est aujourd’hui en cours.
Borne de réserve de pêche au bord de l’embouchure du canal du Nouveau Béjou, rive gauche. ©Y. Suire